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Regards sur les pôles
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29 décembre 2007

Pour une zone d'expérimentation financière de l'innovation

PIERRE LAFFITTE

L'innovation, dans une économie mondialisée, est indispensable pour éviter à l'Europe et à la France d'être marginalisées à terme. Ce constat a été répété tant à Barcelone qu'à Lisbonne. Malgré l'accord de tous sur le diagnostic, le retard vis-à-vis des pays les plus avancés - Etats-Unis, Canada, Japon - ne cesse de s'accroître. Même interrogation par rapport aux puissances émergentes - Chine, Inde, Corée, Brésil, en tête.
Qu'en est-il de la France dans ce contexte ? A priori, la créativité et la naissance d'idées et de projets restent intenses dans notre pays. Des scientifiques et des politiques habitués à parcourir la planète en portent témoignage. Hélas, la suite du processus d'innovation est beaucoup plus problématique, même désastreuse à certaines étapes : lourdeurs de la création d'entreprise, manque d'incubateurs modernes et efficaces, « business angels » trop peu nombreux (dix fois moins qu'en Angleterre et cent fois moins qu'aux Etats-Unis), investisseurs frileux de l'amorçage à l'introduction en Bourse.
Résultat : une start-up a plus de chances de trouver 300 millions de dollars aux Etats-Unis que de lever 200.000 euros en France. Comment admettre de telles différences de financement ? Les pouvoirs publics français ont cherché à réagir, notamment en améliorant le crédit d'impôt recherche (CIR). Le cofinancement des projets par des agences du type Oséo Anvar, ANR, AII et par le Fonds interministériel des pôles de compétitivité, ainsi que la nouvelle loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (Tepa) de Christine Lagarde, ont aussi démontré la volonté d'action des pouvoirs publics. Tout cela est positif, mais n'est pas à la hauteur de l'enjeu. D'ailleurs, l'Etat n'a pas vocation à se substituer aux milieux financiers, mais à les inciter par des moyens fiscaux appropriés.
En France, les investissements annuels du capital-risque sont inférieurs à ceux d'Israël, un pays de seulement 6 millions d'habitants. C'est dire que ce secteur, vital pour l'avenir, y est au moins 10 fois plus important par habitant qu'en France. On déplore la même faiblesse au niveau du capital-développement qui est pourtant nécessaire aux moyennes entreprises pour devenir grandes. Jean-Louis Beffa a raison de regretter que les financiers préfèrent les LMBO moins risqués ou l'immobilier aux investissements industriels innovants.
Je ne veux pas jeter l'opprobre sur le seul monde financier. Certes, celui-ci est coupable de frilosité, trop axé sur le court terme. Surtout, il n'est pas convaincu que le plus grand risque est, à long terme, de ne pas prendre le risque d'innover. Je dénonce la gestion pointilleuse et lente de la direction compétitivité de Bruxelles, qui va parfois jusqu'à la caricature. Comme si l'innovation pouvait se permettre des mois de retards injustifiés ! Dans la société française, la gestion en bon père de famille, la prudence et la lenteur sont trop souvent considérées comme des qualités. L'important serait plutôt d'inciter les personnes aisées à risquer une part de leur richesse dans le but de financer largement l'innovation, à la hauteur de ce qui se passe aux Etats-Unis. Il en résulterait une forte dynamique de croissance des jeunes entreprises, créatrices d'emplois et de valeur. Ce serait une opération gagnant-gagnant, y compris pour les finances publiques.
Pour apaiser les craintes politiques et celles de Bercy, je propose de commencer par l'expérimentation d'une zone d'innovation financière bien délimitée. Cette zone pourrait, en dehors de mesures fiscales spécifiques, expérimenter des simplifications administratives, raccourcir les délais des demandes diverses, etc. On verrait bien vite, par une évaluation menée par les services de l'Etat, qu'elle crée de l'activité, de la croissance, des rentrées fiscales et rapporte à la Sécurité sociale comme aux collectivités limitrophes. Cette rupture en matière d'innovation pourrait ensuite être généralisée.
Pour ma part, sans autre soutien que moral de la part de Jérôme Monod, patron de la Datar, j'ai expérimenté en 1968 la création d'un parc d'innovation (Sophia Antipolis). Le département des Alpes-Maritimes a cru à l'idée à l'époque. Il en tire profit aujourd'hui, tout comme la région et la France. Ce parc sans but lucratif est, d'après les calculs de la Chambre de commerce et d'industrie de la Côte d'Azur, à la source de 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel. Pour les pouvoirs publics et la Sécurité sociale, le bénéfice se chiffre donc à 3 milliards par an.
L'expérimentation que je propose pourrait se faire sur cette zone particulièrement propice où règne un état d'esprit entrepreneurial susceptible de générer, à mon avis, un développement économique supérieur à 10 % par an. A condition qu'il soit assuré du financement adéquat. Son évaluation démontrera que la frilosité entraîne la décroissance et que le goût du risque assure des gains pour tous.
PIERRE LAFFITTE est sénateur des Alpes-Maritimes et président de la Fondation Sophia Antipolis.

Voir: http://fr.groups.yahoo.com/group/veille/

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