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Regards sur les pôles
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5 juin 2010

Le cerveau, un redoutable défi pour la médecine

Le cerveau n'est pas un organe comme les autres. La mise au point de nouveaux traitements doit donc se différencier de celle des médicaments classiques en s'appuyant sur les neurosciences.

Sensorion cherche des molécules contre les vertiges

Acôté du cancer et des maladies cardio-vasculaires, les maladies du système nerveux central sont un sujet majeur de santé publique. Selon l'OMS, en effet, les maladies mentales (schizophrénie, dépression, troubles mentaux…) arrivent en troisième position en termes de prévalence. Quant aux maladies neurologiques, elles touchent en France une part croissante de la population (500.000 personnes souffrent d'épilepsie, 450.000 à 800.000 de maladie d'Alzheimer, 100.000 de maladie de Parkinson…). Mieux les comprendre pour mieux les soigner et trouver de nouveaux traitements est donc une nécessité.

La journée organisée la semaine dernière à Aix-en-Provence, conjointement par les pôles de compétitivité Eurobiomed et Alsace Biovalley, et par Inserm-Transfert, visait justement à faire profiter une assistance de chercheurs, de médecins et d'industriels de l'expérience de deux régions françaises. Avec une dizaine de projets collaboratifs labélisés, ces pôles ne prétendent certes pas rivaliser avec l'Ile-de-France, qui concentre la plus importante puissance de feu de l'Hexagone en neurosciences. Mais les problématiques s'y expriment de la même manière, et les réalisations concrètes témoignent que des opportunités existent.

Produire des connaissances

Les neurosciences présentent des spécificités qui jouent sur les processus d'innovation. Discipline relativement jeune, surtout en France, elles doivent, pour déboucher sur des innovations, produire d'abord des connaissances. Pour Yehezkel Ben Ari, fondateur et directeur de l'Institut de neurobiologie de Méditerranée (Inmed) à Marseille, cet enchaînement ne fait aucun doute : « Le progrès des connaissances fondamentales débouche nécessairement sur des applications. » A condition qu'il s'agisse d'une vraie démarche scientifique et non pas de sa caricature. « S'agissant du cerveau, organe éminemment plastique et adaptable, les approches simplistes sont vouées à l'échec », poursuit-il. Croire qu'on va tout résoudre avec la génétique, et en particulier la thérapie génique, constitue pour lui une impasse.

Encore plus que dans d'autres pathologies, le hiatus est énorme entre l'appréhension que les chercheurs fondamentalistes ont de la maladie et l'expérience qu'en ont les cliniciens, qui sont au contact des malades. D'où l'importance de rapprocher médecins et chercheurs. En matière de traitement de la douleur par exemple, comme l'explique Radhouane Dallel, coordinateur des centres anti-douleur de l'Hexagone, « les chercheurs qui travaillent sur le traitement de la douleur ont tendance à négliger la composante psychologique, qui est pourtant essentielle chez les patients. Ils sous-estiment volontiers les effets secondaires et ne se préoccupent guère de la voie d'administration. Or un produit qui devrait être administré directement dans le cerveau poserait de sérieux problèmes pratiques ».

De nouveaux outils

La jeunesse relative des neurosciences, et la complexité de leur objet, rendent aussi particulièrement inadaptée la démarche actuelle de développement des médicaments, séquentielle et stéréotypée. D'où l'intérêt du projet européen Pharma-Cog, qui vise à développer de nouveaux outils pour tester de nouvelles molécules contre la maladie d'Alzheimer. « Nous sommes partis du constat que s'il y avait autant d'échecs avec les médicaments potentiels contre la maladie d'Alzheimer, c'est qu'on n'avait pas su ou pas pu choisir correctement la cible ou la dose administrée, ou qu'on avait mal sélectionné les patients, explique Mira Didic, neurologue à l'Hôpital de la Timone, à Marseille. Le projet Pharma-Cog nous donne la possibilité de travailler à la mise au point de biomarqueurs biologiques ou comportementaux. » Doté d'un budget d'une vingtaine de millions d'euros, et d'une trentaine de participants, tant académiques qu'industriels, le projet n'est pas exempt de lourdeur comme elle le reconnaît, mais pour l'instant -il n'a débuté qu'en janvier 2010 -la richesse des échanges entre participants l'emporte.

L'exigence de sélectivité des molécules est un autre dogme, que la recherche dans les maladies psychiatriques invite à reconsidérer. Pour Guy Sandner, clinicien et chercheur de l'unité Inserm 666/université de Strasbourg, « ces maladies ont des mécanismes biologiques en commun, les comprendre ouvre la porte sur des traitements qui, sans être spécifiques à une maladie, n'en auraient pas moins des effets bénéfiques et dans différentes pathologies. Mais c'est aujourd'hui très mal accepté par les autorités réglementaires, et donc par les laboratoires pharmaceutiques ».

Les mauvais résultats dans le développement de médicaments pour traiter les maladies du système nerveux central expliquent d'ailleurs la fermeture par un certain nombre de laboratoires pharmaceutiques, comme AstraZeneca ou GSK, de leur département de recherche dans cet axe thérapeutique. « Ils estiment que les cibles connues ne leur permettent pas de renouveler leur portefeuille de produits, explique Bertrand Loubaton, directeur des partenariats pharmaceutiques et académiques chez GE Healthcare, qui discute avec eux régulièrement. Dans ce domaine plus que dans tout autre, le modèle de développement des médicaments est à revoir de fond en comble. Il faut retrouver une place pour la recherche académique à tous les stades du développement des médicaments, admettre que le savoir n'est pas dans l'entreprise mais à l'extérieur et adopter une stratégie d'innovation ouverte. » Autant dire une révolution culturelle pour beaucoup de laboratoires.

CATHERINE DUCRUET, Les Echos

Voir: http://www.lesechos.fr/info/hightec/020573990573-le-cerveau-un-redoutable-defi-pour-la-medecine.htm

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