Régions. La Bretagne exemplaire ?

7 juin 2010

La région? Un nain politique et financier, un looser résigné... Dans un ouvrage fermement critique et solidement argumenté, le géographe François Hulbert(*) analyse les raisons de la faiblesse régionale et les moyens d'en sortir.

Professeur à l'université de Metz, François Hulbert est aussi un Breton du pays rennais et son ouvrage ne manque pas de références à sa région d'origine. Des références plutôt positives, les travers dénoncés par l'universitaire se trouvant le plus souvent atténués ici. Il y voit même des fonctionnements qui pourraient avoir valeur d'exemple.

La jeunette et les briscards

Le diagnostic de François Hulbert est assez largement partagé: si la Région n'a pas pu émerger, c'est parce qu'elle a perdu toutes ses batailles dans le monde sans pitié des collectivités. Il est vrai qu'elle est encore bien jeune face à de vieux briscards comme les Départements qui voient en elle un concurrent et dont le puissant «lobby départementaliste» puise son pouvoir au Sénat où près du tiers des élus sont également conseillers généraux (dont 30 présidents). Résultat: les Régions n'ont quasiment aucun pouvoir propre, à part les bâtiments des lycées. Bien sûr, elles ont le train régional mais pas les transports, puisque les Départements ont gardé son concurrent, l'autocar interurbain. Elles ont l'aménagement du territoire et l'action économique mais les Départements et les agglomérations n'y ont pas renoncé pour autant.

L'État tout-puissant

C'est là un spectacle que l'on observe sans déplaisir du côté de l'État, sécurisé dans sa toute-puissance par l'émiettement des pouvoirs locaux, analyse FrançoisHulbert, en citant l'ex-délégué à l'Aménagement du Territoire (Datar), Jean-Louis Guigou, pour qui la stratégie est claire: «Il s'agit de diviser pour mieux régner». L'État, en effet, règne dans les Régions. Par ses moyens (en Bretagne, il dépense 16milliards par an, alors que le budget du conseil régional dépasse à peine le milliard), mais aussi par un petit jeu de mise en concurrence sur lequel le géographe a mis le doigt. Si, dans les années 60, «on a vu des Régions se battre contre le pouvoir central» pour obtenir des politiques favorables à leur développement, elles se battent aujourd'hui entre elles pour remporter des compétitions dont l'État fixe les règles du jeu et les modifie à son gré. Des exemples? Les Lignes à grande vitesse (LGV), l'université avec le «plan campus», ou les pôles de compétitivité.

L'exemple breton

Pour François Hulbert, seule une fronde organisée des Régions pourrait alléger le poids de l'omni-domination d'État et clarifier les compétences territoriales. Mais elles n'en prennent pas le chemin, regrette le géographe, en constatant qu'elles sont plus préoccupées par la concurrence qui les oppose que par le bénéfice qu'elles auraient à gagner dans l'action d'un front commun. Autre élément qu'il juge nécessaire: des relations apaisées entre les collectivités d'un même territoire régional, qui vivent, elles aussi, des concurrences à tous les niveaux. Il note à ce propos l'intelligence de la Bretagne, pour son action interrégionale comme pour sa capacité à définir des priorités partagées par l'ensemble de ses collectivités. «L'aéroport international de Notre-Dame-des-Landes, c'est l'équipement-type pour lequel se battent toutes les métropoles et toutes les régions», cite François Hulbert. «Ici les deux Régions, Nantes et Rennes ont agi ensemble pour un projet commun, c'est un cas unique». Et puis il y a le B15, la conférence des 15 grandes collectivités bretonnes (Région, Départements et agglomérations) qui est, elle aussi, unique en France. «Avec le B15, c'est toute la Bretagne qui s'organise», se félicite le géographe. «Si d'autres Régions s'y mettaient, la reconstruction géopolitique du territoire français pourrait devenir envisageable».

«Le pouvoir aux régions», par François Hulbert, professeur à l'université Paul Verlaine de Metz, fondateur du Groupe d'études en géopolitique urbaine et régionale (Geopol). Éditions L'Harmattan, collection «questions contemporaines».

Alain Le Bloas

Voir: http://www.letelegramme.com/ig/generales/regions/morbihan/regions-la-bretagne-exemplaire-07-06-2010-946779.php