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Regards sur les pôles
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8 août 2010

Si la Californie avait adopté l’approche suisse, la Silicon Valley n’existerait pas

Philippe Gugler*et Matthias Kiese**

Le Conseil fédéral s’est prononcé contre la mise en place d’une politique de clusters, ces regroupements d’entreprises actives dans le même secteur. Cela permettrait pourtant de renforcer l’innovation et la productivité

L’importance des clusters – ces grappes d’entreprises actives dans le même secteur – pour la compétitivité des nations a été mise en exergue, il y a deux décennies, par les travaux du professeur Michael E. Porter de l’Université de Harvard. Ces regroupements d’entreprises sont devenus un concept standard des politiques économiques, structurelles et d’innovation dans de nombreux pays et de nombreuses régions. Au printemps 2010, le Conseil fédéral s’est prononcé contre la mise en place d’une politique fédérale d’encouragement de ces pôles de compétitivité. Il est d’avis que l’optimisation générale des conditions-cadres est suffisante pour qu’ils puissent émerger. Si la Californie avait adopté une telle approche, la Silicon Valley n’existerait peut-être pas.

L’argumentation du Conseilfédéral pour justifier son refus révèle trois malentendus courants dans ce domaine.

Le premier associe la constitution de tels pôles à une forme camouflée de retour à une politique industrielle, discréditée depuis longtemps. Pour le Conseil fédéral, cela impliquerait que la Confédération et les cantons concentrent leurs efforts sur quelques activités économiques et régions clés et signifierait une discrimination au sein des mesures publiques sur l’économique et/ou l’innovation. Cette identification des clusters à une simple politique industrielle est fallacieuse. Un développement de ces pôles de compétitivité bien conçu se base sur les structures et les compétences spécifiques d’une région, qui se sont bâties au fil du temps. En principe, la compétitivité d’un territoire peut donc précisément être améliorée en constituant des pôles spécialisés dans les branches économiques qui y sont présentes. Et contrairement à une politique industrielle – qui crée des distorsions de la concurrence en établissant des subventions et des barrières commerciales – les clusters tendent, au contraire, à renforcer la concurrence entre les entreprises. Ce qui indirectement va également favoriser l’innovation.

Deuxième malentendu, le Conseil fédéral craint des doublons avec les politiques sectorielles existantes dans plusieurs domaines. En particulier, l’éducation et la recherche, la formation professionnelle, l’innovation, les PME, les communications et la politique régionale. En réalité, une initiative de clusters judicieuse ne crée pas de nouveaux domaines: elle intègre différentes politiques sectorielles. Les ressources publiques limitées peuvent ainsi être concentrées et utilisées plus efficacement. Cela permet par exemple d’adapter des politiques existantes dans les domaines de l’éducation et de la recherche, de l’innovation, et des régions. Un tel projet, bien conçu, nécessite cependant des compétences organisationnelles pointues, car elle exige la coordination des politiques sectorielles existantes

Troisième erreur courante, l’idée que le développement de ces regroupements d’entreprises est nécessairement imposé d’en haut. Partant d’une telle approche, certains craignent qu’une politique décidée à Berne se heurte au fédéralisme. C’est en fait la situation inverse qui prévaut. Contrairement à une politique industrielle dirigiste, celle des grappes d’entreprises ne prévoit pour l’Etat qu’un rôle de coordinateur et de facilitateur, avec le but de mobiliser des réseaux régionaux existants, les milieux économiques, les institutions d’éducation et de recherches, ainsi que d’autres groupes sociaux. L’Etat devient un partenaire à tous niveaux en fonction des compétences attribuées aux instances nationales, cantonales et communales.

Cette politique peut donc être conçue différemment selon les priorités politiques et économiques de chaque juridiction. Les exemples des Etats-Unis et de l’Allemagne démontrent le succès des politiques d’encouragement menées aussi bien par le gouvernement central que par les Etats. La répartition du travail, qui s’est développée entre les différents niveaux administratifs de l’Allemagne, peut d’ailleurs être exemplaire pour le contexte du fédéralisme suisse. La politique de Berlin se limite à donner des incitations «douces», comme par exemple la mise au concours de projets d’innovation proposés au sein des pôles d’entreprises. Cette action permet d’attribuer un montant total de 600 millions d’euros à cinq clusters pour le financement de projets d’innovation. De leur côté, les Etats fédérés (Länder) appliquent de nombreux modèles différents les uns des autres.

La décision du Conseil fédéral prive la Suisse d’une coordination plus accentuée des différentes politiques sectorielles. Actuellement, l’encouragement des clusters n’est mis en œuvre que par quelques cantons innovateurs tels que ceux de Bâle, de Berne et de Fribourg. Une orientation fédérale permettrait de gagner en efficacité. Cela créerait des synergies et des effets d’économies d’échelle dans les cantons déjà actifs en la matière et encouragerait d’autres cantons ou régions à se lancer dans une politique d’initiation de pôles de compétitivité qui ne manquerait pas de renforcer l’innovation, la productivité et l’activité économique. Une étude sur la performance des régions suisses, publiée sur le site de la Harvard Business School, montre clairement les disparités entre les cantons suisses quant à leurs capacités d’innovation*. Une politique fédérale de clusters permettrait de mieux prendre en compte les faiblesses et les forces de différentes régions suisses en matière d’innovation.

Voir: http://www.letemps.ch/Page/Uuid/20ecd098-9db0-11df-bbe6-45f0e04f8ccd/Si_la_Californie_avait_adopt%C3%A9_lapproche_suisse_la_Silicon_Valley_nexisterait_pas

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