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Regards sur les pôles
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10 juillet 2011

Louis Gallois, PDG d'EADS : « Passer toute décision au crible de la compétitivité industrielle »

Louis Gallois, soixante-sept ans, achèvera l'an prochain son mandat à la tête d'EADS. Il a présidé pendant dix ans la SNCF et occupé diverses fonctions au sein de cabinets ministériels -auprès de Jean-Pierre Chevènement notamment. Son parcours de haut fonctionnaire et de dirigeant d'entreprises publiques lui a forgé une solide réputation « colbertiste ».

Vous faites partie de ceux qui s'inquiètent de la disparition progressive de notre tissu industriel. Comment enrayer ce processus ?

C'est vrai, nous observons depuis deux ou trois décennies la disparition de pans entiers de notre industrie, et c'est un sujet de préoccupation majeur : pour un pays développé comme le nôtre, il n'y a pas d'indépendance ni de progrès possibles sans industrie ; et pas d'industrie sans fabrication. Mais il n'y a pas non plus de fatalité : l'Allemagne, les Pays-Bas ou la Suède montrent que la disparition du tissu industriel n'a rien d'inéluctable. La France a des atouts. Pour en convaincre les Français et changer de braquet, il faut faire de l'industrie et de son avenir une ambition nationale. Une priorité, et, pourquoi pas, un thème central de la prochaine campagne présidentielle. Il y a, sur ce point, un vrai consensus chez les industriels.

Concrètement quels types de mesures préconisez-vous ?

En la matière, le problème est de savoir ce que l'Etat peut réellement faire dans un monde de plus en plus ouvert.

Notre politique industrielle peut, à mon sens, s'articuler autour de trois grands blocs : il faut en premier lieu renforcer le « socle », c'est à dire encourager la recherche, l'innovation, la culture scientifique. La réforme de l'université va dans le bon sens. Le crédit d'impôt recherche aussi. Mais il faut aller plus loin : augmenter l'effort de recherche, pousser les recherches publique et privée à travailler mieux ensemble, il faut que le système éducatif valorise mieux les métiers industriels. Il faut redonner aux jeunes le goût de l'industrie, promouvoir la culture scientifique, le progrès technique comme facteur de progrès pour la société.

Quels sont les deux autres axes prioritaires ?

Le deuxième a trait au financement de l'industrie. Il s'agit d'abord de renforcer les fonds propres des entreprises moyennes. Des choses positives ont été faites, sur ce plan, à travers le FSI, Oséo. Mais l'Etat doit orienter de manière volontariste l'épargne -notamment l'assurance-vie -vers l'industrie. Il doit aussi veiller à ce que sa compétitivité ne soit pas grevée par les charges sociales, dont une part significative pourrait être transférée sur la fiscalité. Enfin, le dernier « paquet » de mesures concerne la solidarité du tissu industriel.

Le grand emprunt -qu'il faudrait décliner au niveau européen -ou les pôles de compétitivité montrent que, sur un certain nombre de programmes, on peut faire travailler ensemble grands groupes et entreprises de plus petite taille. Il faut encourager la constitution de filières. Celle de l'aéronautique n'est pas parfaite, mais a le mérite de fonctionner, avec la conscience d'appartenir à une même chaîne entre assembleurs et fournisseurs... Dans l'automobile, des choses intéressantes existent. En revanche, on a raté le coche dans d'autres domaines, et on sait, hélas, que les plats repassent rarement...

Au final, la politique industrielle doit donc dicter l'action de l'Etat tout entière ?

Ce qui est décisif, c'est de passer au crible de la compétitivité industrielle l'ensemble des politiques publiques. Ne prendre aucune décision sans avoir vérifié son impact sur la compétitivité industrielle. C'est un réflexe chez les Allemands -vous verrez que, même sur le nucléaire, ils veilleront à ce que la fermeture des centrales ne se fasse pas au détriment de leur industrie. Cette préoccupation, on ne l'a pas encore assez au niveau français, encore moins au niveau européen...

Vous parliez d'un consensus sur le sujet chez les grands industriels, mais au niveau politique, sentez-vous la même prise de conscience ?

Les choses progressent, mais maintenant il faut accélérer le rythme, mobiliser l'opinion, la convaincre que « c'est possible » ; c'est cela qui permettra de faire les choix structurants que j'ai évoqués. Au passage : je souhaiterais que l'Etat rebâtisse son expertise stratégique, qui s'est progressivement effilochée sur ces sujets, à l'exception de la DGA, du CNES ou du CEA. Le ministère de l'Industrie doit être en mesure de formuler ses avis sans dépendre de tel ou tel cabinet de conseil...

Propos recueillis par Pascal Pogam

Voir: http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/dossier/0201489531118/0201494901915-louis-gallois-pdg-d-eads-passer-toute-decision-au-crible-de-la-competitivite-industrielle-191348.php

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