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Regards sur les pôles
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4 décembre 2011

Paris se cherche

Du chômage aux pigeons, de la santé aux festivités, une escouade de scientifiques passe la capitale au microscope dans le cadre d’un programme de recherches initié par la ville.

Benoît Grimbert

C’est Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris chargé de l’université et de la recherche, qui l’affirme : «Dessiner l’avenir d’une ville, ça ne consiste pas à planifier, mais à dire aux chercheurs de faire ce qu’ils détestent : de la prospective.» Il parle avec le sourire, mais c’est sérieux. Une douzaine de chercheurs présentent aujourd’hui leurs travaux, à l’occasion du colloque Paris 2030.

Lauréats du programme de recherches du même nom, ces scientifiques viennent de disciplines variées et vont tenter de dresser un portrait composite du futur de la capitale. Les sujets sont multiples. Sous les ors rococos des salons de l’hôtel de ville de Paris, on évoquera, entre autres, le pluralisme culturel de Barbès, le parcours des étudiants étrangers, le laboratoire parisien de la recherche, la vie avec Alzheimer dans vingt ans, la métropole touristique ou encore l’empreinte alimentaire des deux millions d’estomacs parisiens sur l’agriculture et la ressource en eau. Bref, on peut partir dans tous les sens quand on réfléchit sur Paris. «Cette diversité qui peut aller jusqu’à l’incohérence, je l’assume complètement», poursuit Jean-Louis Missika. D’autant plus que la prospective se glisse partout. L’adjoint du maire Bertrand Delanoë évoque ainsi une étude intitulée «Quand les citadins veulent refaire "campagne"» : «Est-on face à une simple mode ou à un véritable ancrage pour dix ans ?»

Le programme de recherches Paris 2030 existe depuis sept ans et a déjà primé 73 lauréats. Les intitulés des travaux témoignent de la bigarrure de l’ensemble. En vrac : «Mesurer la performance écologique des villes : le métabolisme parisien», «Le travail indépendant à Paris et son avenir», «Qu’est-ce qui fait quartier dans Paris», «Elaboration d’un immuno-capteur de polluants pour Paris», «Base de données sur le français parisien d’aujourd’hui», «Utilisation de l’espace par le pigeon urbain», «Les conséquences de la recomposition familiale sur l’autonomisation des adolescents»… On pourrait en citer encore bien d’autres, comme les travaux qui s’interrogent sur les enfants, le dimanche, les résidences secondaires, le tourisme ou encore la presse à Paris en 2030. Et, bien sûr, le changement climatique (1).

Tirelire. A quoi cela sert-il, pour une municipalité, d’aider des chercheurs à travailler sur la ville qu’elle gère ? A fournir aux services administratifs et techniques des pistes, voire des réponses, aux problèmes qu’ils rencontrent. Jean-Louis Missika cite une recherche sur la festivité publique qui pourra «être utilisée par la commission de travail sur la nuit parisienne». Plus largement, les travaux intitulés «Réhabilitation thermique du patrimoine ancien» peuvent aider des services techniques qui se trouvent face à la tâche vertigineuse de mettre en place le Plan climat de Paris.

Au-delà de ce programme, la capitale a décidé de casser sa tirelire pour la recherche. Bertrand Delanoë a promis pour sa deuxième mandature un investissement dans l’enseignement supérieur et la recherche qui se résume à un chiffre rond : un milliard d’euros. Y figurent les sommes mises dans les universités, mais aussi deux autres programmes de recherches «blancs», autrement dit à sujet libre, baptisés Research in Paris et Emergences.

Le premier, explique Missika, «consiste à faire venir des chercheurs étrangers dans les laboratoires parisiens».

Tous les ans, ils sont 70 (sur 400 candidatures) à être sélectionnés par le conseil scientifique de Paris. Ils viennent, assure l’adjoint, «de tous les pays du monde, y compris des Etats-Unis». Le deuxième programme, Emergences, soutient des équipes formées depuis moins de cinq ans : en tout, quatre groupes en médecine, quatre en sciences humaines et six en sciences dures. A la clé : un prix de 100 000 euros par an pendant trois ans. Qu’y gagne la ville ? Sa place dans la compétition mondiale de l’attractivité. «L’avenir d’une ville globale se joue dans sa capacité à investir sur son enseignement supérieur et la recherche», postule Missika. Au siècle de l’économie de la connaissance, Paris fait face à Londres, New York, Boston et bientôt, sans doute, aux métropoles indiennes ou chinoises.

Arme. Dans la structure administrative française, ce sont les régions qui soutiennent la recherche, et l’Ile-de-France est un gros acteur du secteur. «Mais ce qui est inhabituel, c’est qu’une ville le fasse, explique le professeur Alfred Spira, directeur de l’Institut de recherche en santé publique. Dans le domaine que je connais, il y a un réel soutien aux équipes de recherches.» A titre de comparaison, il cite la ville de New York, qui a mis 20 millions de dollars (14,7 millions d’euros) dans un programme Nutrition et Santé : «Mais c’était financé personnellement par le maire Bloomberg, qui est milliardaire. La méthode est à l’américaine.»Pour

Jean-Louis Missika, l’investissement dans la matière grise est «une des façons les plus efficaces de se défendre contre les délocalisations et la désindustrialisation». L’arme de la recherche et des brevets peut protéger en partie un tissu industriel national. Et même une activité économique locale. Paris et l’Ile-de-France pratiquent le soutien par les incubateurs, ces lieux où les fruits de la recherche se concrétisent dans de jeunes entreprises innovantes. Ce qui n’est pas réservé aux sciences dures : même Sciences-Po a un incubateur de start-up.

Plus généralement, les clusters (pôles de compétitivité) sont à la mode. Christian Blanc, éphémère secrétaire d’Etat au Développement de la région capitale, voulait organiser son Grand Paris autour de ces concentrations université-recherche-entreprise. Cette pensée reste la trame d’un développement de la métropole par pôles. De fait, ils sont déjà là. «20% de la recherche française est à Paris et 40% en Ile-de-France, rappelle Jean-Louis Missika. Dans la logique de décentralisation des années 70, on saupoudrait les régions en prenant un laboratoire parisien et en le mettant par exemple à Lannion. Aujourd’hui, on soutient les phénomènes de clusters parce que l’on pense qu’ils apportent des fécondations réciproques.»

Cette «révision déchirante» n’améliore pas la réputation d’enfant gâté qu’ont Paris et sa région dans le reste du pays. Mais le but de la recherche est davantage de ménager l’avenir que les susceptibilités.

(1) Voir le blog «Grand Paris et petits détours» http://grandparis.blogs.liberation.fr/vincendon

Collages Benoît Grimbert

Voir: http://www.liberation.fr/societe/01012372208-paris-se-cherche

PB VEILLE CONSULTING
L'information au service de l'entreprise
http://www.pb-veille-consulting.com

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