Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Regards sur les pôles
Regards sur les pôles
Publicité
Regards sur les pôles
Visiteurs
Depuis la création 304 843
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
12 janvier 2008

Le bon filon du textile français

Par Marie NICOT
Le Journal du Dimanche

Frappé de plein fouet par la mondialisation et l'invasion des produits à bas prix, fabriqués par des mains peu chères, en Chine notamment, le secteur du textile français a beaucoup souffert. Aujourd'hui il a réussi à se relever, en jouant avec succès la carte de l'innovation. Des industriels n'hésitent pas à s'allier en ce domaine alors que les Chinois commencent à venir sur le terrain du hi-tech.
Son arme secrète s'appelle Becool. Patron de la filature Sofila à Saint-Genis-Laval (Rhône), Henri de France parie sur cette fibre synthétique révolutionnaire pour résister à la levée de quotas chinois, qui est intervenue mardi dernier. Mis en place en juin 2005, ces quotas devaient protéger l'industrie textile des importations de vêtements à bas coûts en provenance de Chine. Grâce au Becool, Henri de France ne redoute pas une nouvelle déferlante asiatique. Ce fil mis au point en 2006 par les ingénieurs de Sofila est hydrophobe. Il résiste à l'eau, donc à la transpiration. La marque Dim l'a adopté pour ses collants Diam's. Go Sport aussi pour ses T-shirts. Jolie revanche: Becool est envoyé en Chine pour être tissé par les sous-traitants de la marque de sport.
Cette innovation assure 20 % de son chiffre d'affaires à Sofila, car la concurrence ne sait pas le copier. Elle a sorti l'entreprise centenaire de l'ornière. "En 2005, nous avions mal anticipé la libéralisation du commerce international", reconnaît Henri de France. Pour ne pas sombrer, Sofila vend alors quatre usines sur huit, licencie 150 salariés sur 350, divise par trois son chiffre d'affaires, aujourd'hui de 15 millions d'euros. "Pendant cette période difficile, nous avons maintenu les efforts de recherche. Nous misons sur l'innovation puisqu'il est impossible d'être compétitif sur les prix. D'ailleurs, Becool coûte deux fois plus cher que du fil en coton", précise Henri de France.

Microcapsules et tissu en trois dimensions

L'histoire de Sofila est à l'image de l'industrie textile française, qui se reconstruit après un séisme. Pendant des années, les PME de Roubaix, Lyon ou Roanne ont perdu des commandes face aux concurrents chinois, qui paient leurs petites mains 120 euros par mois. Lorsqu'en juin 2005, l'Union européenne rétablit les quotas, il est déjà trop tard. Cette mesure provisoire ne sauve pas les ateliers en déroute. Le nombre d'entreprises passe de 1 300 en 2000 à 947 en 2006. Les effectifs diminuent de 30 % (86 000 salariés actuellement). Mais l'électrochoc est salutaire. Le secteur se reprend en main.
L'Union des industries textiles (UIT) incite ses adhérents à innover. Elle participe à la création de trois pôles de compétitivité : Nord-Pas-de-Calais-Up-Tex, Grand Est-Fibres et Rhône-Alpes-Techtera. Ces pôles ne se contentent pas de conseiller et de former les patrons aux dernières modes. Elles soutiennent aussi financièrement des entreprises qui mènent seules ou à plusieurs des projets audacieux. Exemple à Chasse-sur-Rhône (Isère), où la société Euracli encapsule des actifs antiacariens, des pigments et des cosmétiques. Ces microcapsules cachées dans la lingerie ou des collants libèrent progressivement une crème hydratante ou un parfum. Plus remarquable encore: le tissu en trois dimensions. Il permet de fabriquer des vêtements d'une seule pièce sans couture ni colle. Une innovation qui intéresse aussi le domaine hospitalier car les bactéries à l'origine des maladies nosocomiales se logent dans les plis.
Henri de France s'est allié en 2006 à Techtera en Rhône-Alpes pour l'épauler dans son dernier projet: un fil à base de ricin, une plante plus connue pour son huile. "C'est encore au stade de la recherche. Nous espérons obtenir une matière encore plus hydrophobe que Becool", assure le patron de Sofila. Techtera a facilité l'obtention d'une aide de 500 000 ¤, soit la moitié du budget de développement. "Fédérer plusieurs patrons de PME qui avaient auparavant le goût du secret est un grand progrès. Les mentalités évoluent", constate avec satisfaction un spécialiste de ces pôles de compétitivité.
Les effets du changement sont déjà sensibles. Après des années de récession, les ventes de textile français frémissent. En 2007, le chiffre d'affaires du secteur a évolué de 1 % par rapport à l'année précédente. Mieux encore, les statistiques de l'Institut français de la mode (IFM) révèlent une hausse de 2 % des volumes sur cette période. Cette embellie concerne les fils synthétiques, les teintures ou encore la laine...
Rien n'est cependant acquis. La technologie made in France coûte cher. Le fil à base de ricin sera deux fois plus cher que Becool. Le consommateur à l'affût des soldes sera-t-il prêt à payer davantage ? Pas si sûr... Autre sujet d'inquiétude: la montée en gamme du textile chinois. "Le 11e plan quinquennal, dévoilé au printemps 2007 encourage les entreprises à s'orienter vers les textiles techniques et des marques fortes pour le marché international", avertit Emmanuelle Butaud-Stubbs, directrice des affaires économiques et internationales de l'UIT. Certes, les brevets sont déposés et protégés. Mais la copie est toujours possible via les salons internationaux et les publications spécialisées. La bataille du tissu high-tech peut commencer.

Voir: http://www.lejdd.fr/cmc/economie/20081/le-bon-filon-du-textile-francais_83778.html

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité