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31 août 2008

Comment contenir la crise financière, par MM. de Boissieu, Lorenzi, et Pastré

LE MONDE 27.08.08

Cela fait un an que la crise bancaire a commencé aux Etats-Unis. Tout s'est passé de manière logique. Comme cela était prévu à quelques mois près jusqu'au ralentissement économique mondial et européen récemment enregistré.

En réalité, la seule interrogation a porté sur le temps pour que cette bulle de liquidités produise ses effets, tant sur les bilans des banques, avec l'inévitable resserrement du crédit, que sur la croissance explosive des pays émergents, entraînant une hausse inconsidérée du prix des matières premières et, par effet de retour, le rebond de l'inflation, la menace sur le pouvoir d'achat et le recul de la croissance.

Tout cela ressemble à un cycle, s'il n'y avait pas une particularité qui rend le diagnostic plus sévère : la crise bancaire n'est réalisée aujourd'hui qu'à moitié. Il n'y aura de véritable reprise de l'économie mondiale que quand cessera cette succession de mauvaises nouvelles de la part de banques, tant sur leurs bilans que sur les produits financiers dangereusement lancés.

Il reste encore près de la moitié des dépréciations d'actifs des bilans du système bancaire mondial à écluser. C'est dans ce seul cadre que l'on peut réfléchir lucidement. Pourquoi ? Parce que cela veut dire que nous allons vivre les deux ou les trois semestres à venir dans un climat macroéconomique mondial morose dans la meilleure des situations, qui pourrait s'aggraver si la crise bancaire se transformait en véritable crise financière. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Nous allons vivre sans aucun doute dans un monde plein d'incertitudes de court terme, avec une forte volatilité du dollar, du pétrole, des matières premières agricoles, et une économie mondiale moins porteuse malgré la résilience des grands pays émergents.

Le premier impératif est donc de contenir la crise financière. Pour cela, il faut convoquer d'urgence une conférence financière internationale - un nouveau Bretton Woods adapté aux circonstances -, sans écarter comme aujourd'hui les pays émergents qui représentent 50 % de l'économie mondiale, afin d'établir de nouvelles formes de régulation acceptables par tous, et surtout endiguer les pertes du système bancaire en permettant à celui-ci, d'une manière ou d'une autre, d'absorber les baisses de valorisations d'actifs de manière progressive.

Certes, le gouvernement américain a été très réactif. Certes, les banques centrales ont joué parfaitement leur rôle, mais cela ne suffit pas. C'est l'architecture financière mondiale qu'il faut d'urgence repenser. La France, dans ce domaine, doit avoir un rôle de proposition rapide dans le cadre d'un nouveau G20 à créer. Le reste est subordonné à cette capacité d'initiative mondiale.

Mais une condition s'impose : la France ne sera écoutée dans le monde, et tout spécialement en Europe, que si elle continue les réformes entreprises et maîtrise ses déficits budgétaires et sa dette publique. Des réformes à continuer pour le marché du travail, le fonctionnement des administrations publiques, la protection sociale (santé et retraite), et enfin, et c'est peut-être le plus important, notre système d'enseignement supérieur et de recherche. Mais il ne faut jamais oublier l'aspect psychologique. Rentrer dans un cycle dépressif est extrêmement dangereux, car la part de confiance est essentielle.

Or la partie la plus visible de cette crise, un peu partout, est la baisse très significative de logements construits. Rien n'est plus visible, efficace dans la perception collective, que l'existence d'un secteur immobilier dynamique. La loi Boutin vient à point nommé pour relancer ce secteur, qui fut le plus créateur d'emplois et qui est le premier à souffrir en France. Il faut donc l'enrichir d'une impulsion conjoncturelle, financée par des redéploiements entre dépenses publiques, qui enraye la chute des mises en chantier.

Pour la France, il sera également difficile d'avoir une croissance correcte tant que la contribution négative du commerce extérieur plombera autant la progression du PIB. Donc, améliorer la compétitivité de nos entreprises par une politique de l'offre (en faveur de la R & D, de la croissance des PME, des pôles de compétitivité, des pôles universitaires d'excellence...) doit rester le point cardinal de la politique économique française. D'autant que, même si le recul de l'euro et du pétrole de ces dernières semaines est toujours bon à prendre, il ne saurait être extrapolé. Nuisibles incertitudes...

Il n'existe pas de "découplage" entre l'Europe et le reste du monde, pas plus qu'entre les pays européens eux-mêmes. Le défi conjoncturel comporte une dimension européenne évidente et il appelle de ce fait une réponse concertée. Dans cette affaire, l'appel à l'Europe doit être un complément, et non un substitut, à la poursuite des réformes et à la maîtrise des déficits publics dans les pays membres. Certains d'entre eux, plus vertueux, ont aujourd'hui des marges de manoeuvre que n'ont pas les autres. Ceux-là doivent le reconnaître et même s'en inspirer !

Au niveau européen, les marges de manoeuvre sont également étroites. La voie monétaire ? On peut toujours regretter l'augmentation de son taux directeur par la BCE en juillet, et espérer une réduction rapide de ce taux. Pour plusieurs raisons, bonnes ou pas, l'hypothèse la plus probable à court terme est le statu quo.

La voie budgétaire ? Elle est inégale d'accès dans les différents pays de la zone - pacte de stabilité oblige - mais globalement faible. La voie financière ? Nous proposons que la BEI (Banque européenne d'investissement) emprunte 40 milliards d'euros de plus que d'habitude sur les marchés financiers, et que cette somme soit, dans la concertation et la transparence, recyclée prioritairement vers le financement des PME, le financement du logement social et le soutien à l'investissement privé (par des formules de cofinancement).

L'épargne est abondante, en Europe comme ailleurs, et une telle ponction aurait peu d'effet sur les taux longs dans l'Union européenne. Il s'agit d'un financement hors contraintes de Maastricht, qui devrait être investi dans des actions à efficacité économique rapide. Il y a là un domaine où soutien conjoncturel et réforme structurelle peuvent s'épauler l'un l'autre.

En tant que présidente de l'UE, la France ne pourra obtenir l'adhésion de tous ses partenaires et permettre à l'Europe de sortir de son excessive passivité grâce à une telle initiative que si elle fait preuve elle-même de vertu et de détermination.

La vertu est nécessaire, mais la détermination est vitale.

Christian de Boissieu, président du Conseil d'analyse économique ; Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes ; Olivier Pastré, membre du Cercle des économistes.

Voir: http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/08/27/comment-contenir-la-crise-financiere-par-mm-de-boissieu-lorenzi-et-pastre_1088461_3232.html

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