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Regards sur les pôles
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30 novembre 2008

Les Pôles De Compétitivité Vont-Ils Créer Une Nouvelle Bio-Économie ?

On les appelle des « clusters ». En anglais, ce terme désigne un groupe d’éléments semblables grandissant ensemble. Plus simplement, on évoque souvent l’idée d’une grappe. « Labellisés » en juillet 2005 par le Gouvernement, les soixante-six « pôles de compétitivité » sont les clusters français. Ces associations d’entreprises, de laboratoires de recherche et de centres de formation, réunis sur des thématiques précises dans des zones géographiques données, sont les fers de lance de l’innovation made in France. Informatique, aéronautique, biotechnologies et même ingénierie financière... Autant de thématiques dans lesquelles l’Hexagone veut faire valoir son expertise. Mais à l’heure du web 2.0, de la guerre Airbus versus Boeing ou des technologies de l’infiniment petit, on peut noter un fait intéressant : sur un total de soixante-six, la thématique qui concentre le plus grand nombre de pôles, c'est l’agriculture et l’agroalimentaire. Ainsi, douze pôles (voir encadrés), répartis aux quatre coins du territoire hexagonal, planchent sur l’avenir de l’agriculture et de la consommation. Parmi eux, deux complexes, le pôle végétal de la Loire et celui dédié aux industries et agro-ressources de Champagne- Ardenne-Picardie sont « à vocation mondiale », au même titre par exemple que le pôle porté par les industriels de la chimie en Rhône- Alpes. Alors, ces associations vont- elles radicalement faire évoluer le métier d’agriculteur ? En sortira-t-il de nouveaux débouchés de masse ou des marchés de niche ?

NOUVELLE VAGUE TECHNOLOGIQUE

Difficile de savoir aujourd’hui quelle sera la typologie de l’agriculture française de demain, répondent bon nombre d’acteurs qui participent aux pôles. Mais ils reconnaissent pour la plupart qu’un mouvement de fond s’amorce. « On va inévitablement vers de grandes transformations », note Michel Griffon, responsable du département agriculture et développement durable au sein de l’Agence nationale de la recherche (ANR), l’un des financeurs publics des pôles de compétitivité. « Il y a de nouveaux objectifs avec des biens agricoles très diversifiés et une agriculture qui peut produire de l’énergie, mais il y a aussi de nouvelles contraintes, comme la hausse du coût de la consommation énergétique de l’agriculture, la limitation des engrais ou les réflexions sur l’eau », ajoute le chercheur, auteur de Nourrir la planète (Odile Jacob, 2006). « Pour moi, nous allons vivre rien de moins qu’une nouvelle vague technologique dans l’agriculture ». Quand ? et comment ? restent les deux questions qui brûlent les lèvres. Peut-être dès aujourd’hui... D’ici « deux mois », Michel Griffon doit justement valider, en accord avec l’Inra, les grandes orientations de recherche de l’ANR. Cette feuille de route devrait orienter sur le terrain l’action des pôles de compétitivité. Car ce ne sont pas les pôles en tant que tels qui sont financés – quoique ce soutien financier non ciblé existe – mais avant tout les projets qu’ils portent.

BON DÉPART

Après plus d’un an et demi d’existence, les pôles se sont déjà mis à la tâche, partout sur le territoire. En Auvergne, le pôle « Céréales Vallée » travaille beaucoup sur le blé au regard de ses qualités nutritionnelles, pour les céréales du petit déjeuner ou le pain par exemple (voir notre dossier sur l’alimentation du futur, MAG n° 30, 1/15 février 2007). En Avignon, des start-up réfléchissent à de nouveaux conditionnements pour les fruits : on y découpe des sticks d’ananas au laser... À Rennes, le pôle Valorial planche sur une race de porcs nains destinée à l’étude des pathologies nutritionnelles touchant l’homme, comme l’obésité. Dans l’Est, le pôle industries et agroressources (IAR) s’est fixé le champ de l’agriculture non-alimentaire. Le pôle vient de prouver qu’il est possible de valoriser la vinasse de betterave en énergie, pour alimenter une distillerie de betterave (voir notre décryptage en page 14). Le bois, le lin, le chanvre suivront... Aujourd’hui, le travail du pôle IAR surfe sur la vague des biocarburants, comme avec la betterave. Mais « audelà des biocarburants, il y a des opportunités de marché à plus ou moins long terme dans le domaine de la chimie. Il y a le problème de la raréfaction de la ressource pétrolière qui augmente le coût de la matière première pétrolière », observe Thierry Stadler, directeur du pôle. La réglementation Reach (ndlr : réglementation européenne qui vise à réduire le nombre de substances chimiques dangereuses) va aussi inciter à substituer un certain nombre de produits d’origine pétrolière. »

DE L’AGRICULTURE À LA CHIMIE

Ainsi, le pôle IAR développe la création « d’intermédiaires chimiques » à partir par exemple de glycérol, issu de la production de diester. De quoi s’agit-il ? Tout simplement de remplacer la matière première pétrolière servant à la chimie de synthèse par du végétal. Le très courant polyester par exemple, pourrait être conçu à partir du végétal. À l’échelle française, ce sont 15 % de cette matière première pétrolière qui pourrait être substitués à du végétal d’ici 2015 ! Quelles conséquences pour les agriculteurs ? Sur les cultures énergétiques pour ne citer qu’elles, on entend de plus en plus parler de cultures dédiées, comme le myscanthus ou la triticale. « Ce serait d’ailleurs la bonne solution pour ne pas rentrer dans le débat alimentaire/non-alimentaire ». De même, le directeur du pôle IAR note que les sélectionneurs vont être amenés à revoir leurs problématiques de sélection. Par exemple, si l’on veut valoriser la paille, on a plus intérêt à avoir des tiges hautes que très courtes. Toujours selon Thierry Stadler, les nouveaux débouchés vont aussi inciter à envisager la façon dont le produit va se comporter dans le processus industriel. De manière générale, « il va falloir gérer ce qu'on peut appeler la mobilisation des ressources agricoles, en particulier les co-produits, essentiellement la paille ». Bref, innovateurs, transformateurs et producteurs vont devoir travailler de plus en plus de concert. « On se dirige vers un décloisonnement des filières : le rapprochement de la chimie et de l’agriculture est un bon exemple », conclut Thierry Stadler. Biocarburants, bioénergie, chimie verte... Autre exemple, les biomatériaux ont également le vent en poupe. Le secteur du bâtiment est la principale source d’émissions de CO2, avant les transports et l’industrie. Or la construction d’un panneau de bois génère beaucoup moins d’émissions que la fabrication d’un agglo. De plus, le bois capte du CO2. Là encore, les biomatériaux profitent d’un contexte favorable et leur développement ne se fera pas sans conséquence sur la production agricole. La culture du chanvre, par exemple, pourrait être reconsidérée.

ÉCHELLE EUROPÉENNE

La France compte donc pour le moment soixante-six pôles. D’autres sont en attente d’une labellisation. Comme le projet Agrimip, à Toulouse, spécialisé dans l’ingénierie des agrochaînes et dont la mission est de définir, à partir  des besoins exprimés par le consommateur, l’ensemble des transformations qui doivent constituer les différents maillons de la chaîne. Au sein de chaque État-membre, le phénomène des clusters, dont certains sont des précurseurs  comme l’Italie avec ses districts industriels, a pris racine. Et le développement des pôles à travers l’Europe pourrait assurer un effet de levier sur les innovations. C’est en tout cas la voie qui est souhaitée. En novembre 2005, un accord de coopération a été signé entre la Hongrie et la France pour une meilleure coopération entre leurs pôles de recherche respectifs. Thierry Stadler en témoigne : « On réfléchit à des collaborations inter-clusters au niveau européen, en Europe du Nord avec la Finlande, la Belgique wallone, la Suède et les Pays-Bas, mais aussi avec la Hongrie ». Dans la plaine danubienne hongroise, la ville de Szeged est d’ailleurs une référence en matière de biologie végétale. Dès 1971, l’Académie des sciences hongroise y a installé le Centre de recherche biologique. Le CRB a été, par exemple, à l’origine en 1986 de la première luzerne génétiquement modifiée pour améliorer la fixation de l’azote, ou encore du premier blé transgénique en 1993. Fin mars, un séminaire de coopération entre pôles européens a eu lieu à Budapest et une conférence est prévue en décembre prochain à Bruxelles. À plus grande échelle, un comité stratégique pour l’innovation et l’attractivité des territoires en Europe se tiendra à La Baule (Vendée) les 28 et 29 juin. Il y sera largement question des avancées technologiques en matière d’environnement…

BOOM VERT À LA SILICON VALLEY

À travers les différents projets de ces pôles comme ailleurs, il est facile de voir que l’innovation en matière agricole est fortement portée par une préoccupation nouvelle : l’environnement. Biocarburants, bioénergie, biomatériaux, le préfixe bio partout présent réaffirme le rôle déterminant du végétal dans la recherche de productions plus respectueuses de l’environnement. Or cette « bio-innovation» s’impose désormais dans des lieux insoupçonnés… Au moment de la création des pôles de compétitivité français, un cluster était souvent érigé en exemple : la Silicon Valley américaine. Or, en Californie, le temple de l’innovation informatique, qui héberge notamment les  firmes Apple, IBM ou Intel, vient justement d’opérer un virage remarqué, celui des « cleantech » (ndlr : technologies propres). Ainsi, des sociétés spécialisées dans l’énergie solaire ont été introduite en bourse, d’autres bénéficient de capitaux apportés par les fondateurs du très célèbre – et riche ! – moteur de recherche Google… Tout autour de San Francisco, de jeunes entreprises de « clean-tech » parviennent à lever des millions de dollars pour des projets de développement sur les biocarburants, le solaire ou le stockage de l’énergie. L’université de Berkeley et celle de l’Illinois viennent de recevoir un don de la firme pétrolière BP de 500 millions de dollars pour leurs recherches sur les biocarburants ! Alors que les États- Unis n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto, l’État de Californie a mis en place une législation très ambitieuse en matière d’émissions de gaz à effet de serre : une réduction de 25 % d’ici 2020 ! Une loi qui devrait justement permettre d’assurer les débouchés commerciaux à toutes ces jeunes entreprises innovantes… Dans le domaine agricole, les pôles de compétitivité français parviendront-ils à engendrer une dynamique comparable à celle de la Silicon Valley ? Reste qu’une nouvelle « bio-économie » n’a jamais été autant souhaitée…

Laurent Berneron

Voir: http://www.le-mag.fr/actualites-agricoles/articles/Dossier/Les-P-Les-De-Comp-Titivit-Vont-Ils-Cr-Er-Une-Nouve-947-7-1.html

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