Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Regards sur les pôles
Regards sur les pôles
Publicité
Regards sur les pôles
Visiteurs
Depuis la création 304 845
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
31 octobre 2007

Pour une Europe mobile et verte

Par Jacques Barrot

L'heure de la mobilisation générale a sonné. Face à la menace du changement climatique, l'Europe a pris les devants et la France devrait pouvoir faire de ce combat un chapitre majeur de sa future présidence de l'Union européenne. Mais le foisonnement des idées ne doit pas cacher où se joue l'essentiel de la bataille : faire en sorte que la mobilité, qui est une valeur et un levier essentiel de la compétitivité, devienne durable dans un contexte d'augmentation des échanges.

Car la mobilité accrue entraîne des effets négatifs. Les transports en Europe dépendent encore à 98 % du pétrole et représentent près d'un tiers des émissions de CO2 dans l'Union. Les émissions provoquées par la seule route ont augmenté de 26 % de 1990 à 2004 et devraient croître d'ici à 2020 trois fois plus que les autres sources de pollution.

Trois exigences s'imposent. D'abord, choisir les modes de transport les plus appropriés pour assurer la mobilité durable. Nous ne devons pas opposer entre eux les modes de transport, notamment en stigmatisant la route de manière théorique et incantatoire, au risque d'oublier de faire des efforts pour rendre plus propre ce mode indispensable au fret de courte distance. Il faut agir de façon pragmatique pour mettre en oeuvre une chaîne des transports favorable à l'environnement.

Le train, le fleuve, la mer ont vocation à prendre le plus possible le relais de la route pour transporter les marchandises sur la longue distance. Encore faut-il donner une priorité absolue aux investissements qui offrent une alternative à la route ! Les grands réseaux ferroviaires et fluviaux choisis par l'Union européenne doivent être financés, grâce à une augmentation à terme du budget européen et à une participation financière accrue des Etats membres. La construction des nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse permettra de dédier les voies conventionnelles au fret. Encore faut-il se servir de l'Eurovignette, qui permet de mieux tarifer l'usage de la route par les poids lourds.

D'autant plus que la Commission va actualiser sa méthode de calcul. Les pollutions générées par les camions seront prises en compte dans les tarifs des péages. Les recettes devront être affectées aux investissements qui réduisent la pollution quels que soient les modes de transport. Elles seront notamment destinées à la réalisation des infrastructures alternatives à la route. La France peut-elle accepter que tous les camions de France et d'Europe traversent la région parisienne sans acquitter aucun droit d'usage ?

Pour réussir la combinaison des différents modes de transport, il faut éviter des ruptures de charge longues, complexes et coûteuses. L'Union subventionne, malgré l'étroitesse de son budget, les plates-formes intermodales à travers le programme Marco Polo. Pourquoi la plupart des ports français sont-ils encore si mal reliés à leur arrière-pays, si ce n'est par des autoroutes ? Où sont les raccordements ferroviaires qui permettent de faire passer facilement les containers du bateau au wagon ou à la péniche ?

Deuxième exigence : rendre la route verte. L'Europe s'est fixé, là aussi, des objectifs ambitieux : 120 grammes d'émission moyenne de dioxyde de carbone par kilomètre pour les automobiles à l'horizon 2012 ; 10 % d'incorporation de biocarburants dans l'essence et le gasoil d'ici à 2020. Mais il faut se doter de moyens afin d'y parvenir. La France a consacré un de ses pôles de compétitivité à vocation mondiale aux bioénergies. Elle doit appuyer la définition d'une vraie stratégie européenne des biocarburants, pour avoir une vision claire de l'impact écologique de la production d'éthanol et de Diester et des possibilités de distribution.

L'Europe doit permettre un développement programmé et maîtrisé des biocarburants grâce à un dialogue avec tous les acteurs concernés de la filière : monde agricole, industrie automobile, grande distribution et, bien sûr, pétroliers. Il faut aussi être très attentif au rythme de changement des véhicules. Les nouveaux modèles, beaucoup moins polluants, doivent remplacer en plus grand nombre les "véhicules sales". On peut imaginer utiliser la voie fiscale pour stimuler cette rotation. Et pourquoi ne pas étendre au transport routier le système d'échange de droits d'émission ? L'Europe vient de décider de faire entrer le transport aérien dans ce mécanisme de marché. Il encourage les entreprises à économiser l'achat de droits d'émission en remplaçant les vieux avions par de nouveaux modèles moins nocifs pour l'environnement. Malgré l'opposition des Etats-Unis et de la Chine, l'Union devrait étendre ce courageux combat aux secteurs maritime et routier.

Notre troisième impératif est d'organiser des transports plus intelligents grâce à la combinaison des nouvelles technologies de communication et de la navigation par satellite. L'Europe a besoin d'une navigation par satellite plus précise et plus fiable. Avec le système Egnos dès 2009, avec Galileo à partir de 2013, s'ouvriront des opportunités majeures pour des transports plus durables car plus intelligents. Ainsi, la généralisation des péages par satellite passe par Galileo. Le grand projet européen Sesar modernisera le contrôle aérien d'ici à une dizaine d'années, en mettant fin à ces survols nuisibles avant les atterrissages, en permettant des trajectoires plus linéaires, en réduisant la congestion des aéroports. L'essor de la "logistique" s'appuiera sur cette gestion plus intelligente du trafic permise par le positionnement satellitaire. Il deviendra possible d'éviter la congestion de certains axes à certaines heures critiques, de réduire ces retours à vide qui constituent encore 30 % des déplacements, de réussir la mise en oeuvre efficace de la comodalité.

La mobilité urbaine, qui concerne deux Européens sur trois, bénéficiera pleinement de cette révolution de l'information en temps réel sur les embouteillages et du positionnement au mètre près de tout véhicule. Cette nouvelle culture de la mobilité urbaine est fondamentale, quand on sait que les villes d'Europe concentrent 40 % des émissions de carbone du transport routier ! Les renseignements fiables sur l'état de fluidité de la ville doivent aller de pair avec l'essor de transports en commun confortables, réguliers, articulés sur tous les autres modes de mobilité (train, tramway, vélo, voitures individuelles stationnées dans des parcs relais).

La mobilité durable est une responsabilité pour tous les Européens : hommes politiques, décideurs économiques, citoyens. Nous devons prendre garde. Si nous ne nous décidons pas à temps de nous engager sur ce chemin, il est à craindre que des voix s'élèvent pour sacrifier la mobilité sur l'autel de la lutte contre le réchauffement climatique. Quel paradoxe et quelle erreur ce seraient ! La réussite économique européenne s'est construite grâce à un grand marché intérieur libre d'entraves, alors que l'ouverture et les échanges humains sont un des chemins les plus sûrs vers la démocratie et la paix.

Voir: http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-968885,0.html

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité